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samedi 17 janvier 2015

L'orthophonie aux Etats-Unis - Soins de Suites de Réadaptation

J'ai commencé mon dernier semestre en tant qu'étudiante en orthophonie. Plus de cours, mais des stages à plein temps sont au programme. Je viens de terminer ma deuxième semaine en hospitalisation complète en SSR. J'ai une maître de stage beaucoup plus jeune que moi, et tout se passe pour le mieux. Les pathologies rencontrées sont assez similaires à celles que je prenais en charge en France : beaucoup d'AVCs, de dysphagie, quelques démences, et pas mal de traumatismes crâniens. Les bilans et rééducations sont très proches de mon expérience en France : même techniques de rééducation, même types d'approches de réhabilitation. Cependant, quelques petits détails m'ont surprise. Le premier concerne la durée de séjour. Après un AVC en France, il est fréquent de suivre un patient 3-4, voire six mois en hospitalisation complète. Ici, la plupart des séjours sont de deux-trois semaines, et 100 jours au maximum. Les assurances ne couvrent pas la rééducation si le patient ne progresse pas et jamais au delà de 100 jours. Une fois passé ce délai, le patient est envoyé en hospitalisation de jour, chez lui, ou en maison de repos. La thérapie peut se poursuivre, mais de façon beaucoup moins intensive, et les thérapeutes manquent pour des services à domicile. Compte-tenu des séjours très courts, les bilans sont très courts, une heure au maximum. J'avais l'habitude de proposer des bilans d'au moins une heure trente, voire plus si le patient avait des déficits qu'il convenait d'explorer plus en détails. Ici, une heure, pas plus, pour un bilan (soi-disant) complet de langage, cognition, et déglutition. Tous les domaines sont survolés, il n'y a pas de temps pour creuser le sujet en profondeur. Les tests mnésiques se résument au rappel immédiat et différé de trois mots, plus des empans endroits. Rien à voir avec les bilans que l'on fait en France.... Le temps de thérapie journalier est scrupuleusement respecté. Si un patient a la grippe et ne peut pas beaucoup sortir de son lit, qu'à cela ne tienne ! Il aura sa séance coûte que coûte, alité ou vaillant. Le droit du patient prime sur les règles de transmission de certains virus ou maladies. Le patient a le droit de sortir de sa chambre, quelles que soient les circonstances. Un patient BMR en France sera confiné à sa chambre. Aux Etats-Unis, le patient est couvert d'une surblouse et d'un masque, et hop ! Il peut se balader dans tout le service, au risque de contaminer tout le monde. J'ai passé la totalité de ma deuxième semaine à rééduquer en portant un masque. Pas pratique pour les patients déments ou sourds de l'oreille. Pas pratique non plus pour évaluer les praxies bucco-faciales. Pas pratique non plus pour montrer comment évacuer des résidus buccaux avec la langue si le patient a une aphasie réceptive et un trouble de la déglutition. Bref, pas pratique du tout. Et pas forcément efficace. Je me retrouve ce weekend à avoir attrapé l'un de ces microbes. Espérons que je puisse assurer mes fonctions lundi matin.... car j'ai encore besoin de 150 heures de bilan et rééducation pour pouvoir terminer mon semestre. 


D'autres détails m'ont au contraire très agréablement surprise. Pour la plupart des patients, il existe une "cérémonie de sortie". Le patient marche, avec ou sans aide, le long de tous les thérapeutes alignés, jusqu'à une grosse cloche qu'il ou elle fait sonner, avant que toute l'équipe n'applaudisse. Un symbole très fort, très émouvant, qui se répète plusieurs fois par semaine. Cet acte prend tout au plus deux minutes, mais le patient est conforté dans l'idée qu'il ou elle a fait de gros progrès, et que tout est de nouveau possible. Une véritable reconnaissance du travail effectué par tous. Et la différence principale entre la France et les Etats-Unis concerne le temps de travail. En France, en hospitalisation complète, il n'y a pas d'obligation de rendement. Il n'existe pas de minimum quant au nombre de patients à voir chaque jour. La paperasse est conséquente mais tolérable. Ici, j'ai observé que tous les thérapeutes sacrifient leur demi-heure de pause déjeuner pour pouvoir terminer leur journée de travail à peu près dans les temps. Les quarante heures hebdomadaires payées correspondent souvent à bien plus que quarante heures. Les orthophonistes, ergothérapeutes et kinésithérapeutes ne déclarent jamais leurs heures supplémentaires, bien qu'il aient au moins 6-7 heures chaque semaine en plus de leurs heures normales de travail. Leur "productivité" est scrupuleusement mesurée. Si la journée payée est trop courte pour voir tous les patients et remplir toute la paperasse quotidienne (la quantité de paperasse est tout simplement infernale !), les thérapeutes restent le soir pour terminer ce qu'ils ont à faire. Mais cela ne se traduit pas par des heures supplémentaires payées, ou par des vacances. Car le mot vacances devra être presque totalement rayé de mon vocabulaire quand viendra le temps d'un poste d'orthophoniste aux Etat-Unis. A l'horizon 2016, au plus tôt. Alors tandis que je continue à approfondir mes connaissances orthophoniques un peu plus chaque jour, mon impatience grandit en pensant à mon retour en France cet été. Car j'ai bien l'intention de profiter de l'année 2015-2016 pour exercer en France. Une année à Tours, attendue chaque jour un peu plus. En attendant, ma remise de diplôme est prévue dans 111 jours. I just can't wait!!!!

Nb: BMR: bactérie multi-résistante, SSR: soins de suites de réadaptation.

jeudi 1 janvier 2015

L'heure d'un bilan

Nos dernières vacances : Puerto Rico
2014 s'achève finalement. Cette année est passée à une vitesse folle, les mois et les semestres s'enchaînant à un rythme fulgurant. Le tourbillon de la vie universitaire a tendance à biaiser notre notion du temps qui s'écoule, toujours plus vite, au fil des semaines marquées par un emploi du temps bien chargé. Une année entière sur les bancs de l'université, à apprendre et à réapprendre mon cher métier. La dernière année de ma vingtaine, puisque la trentaine se rapproche dangereusement. Dans quelques courts mois, fini la décennie étudiante, je vais (peut-être) pouvoir finalement travailler. Je ne suis pas sûre que j'aimerais revivre cette année écoulée. Le bilan en est certes très positif, mais il faut laisser derrière soi cette année de challenge et de travail intensif, et regarder vers l'avenir avec optimisme. J'ai tellement appris en retournant à la fac que parfois, je me demande ce que je savais avant. Probablement pas grand chose. Et il y a tant à apprendre encore qu'il faudra bien la durée de ce semestre à venir pour finaliser le processus d'apprentissage. Pour 2015, difficile de savoir ce que la vie nous réserve, mais je prévois de façon certaine une remise de diplôme en Mai et un retour en France cet été, à Tours, et ce pour toute la durée de l'année scolaire à venir. Il va encore falloir faire tenir nos affaires dans deux fois vingt-trois kilos de bagages. Un détail pour une professionnelle des déménagements trans-atlantiques comme moi, étant donné que ça (ne) sera (jamais que) la quatrième fois. Et ça va être une expérience sans doute fantastique que de retrouver mes galons d'orthophoniste diplômée et autorisée à exercer en France. Pour l'heure, je profite des derniers jours de vacances et essaie de retenir chaque minute un peu plus, histoire de prolonger la douce quiétude des congés de fin d'année. Bonne année 2015 à tous !

El Yunque, Forêt tropicale de Puerto Rico