Quand tu en viens à te cacher pour manger discrètement du chocolat pour le goûter, histoire de ne pas influencer les habitudes alimentaires de ton fils (mais qu'il te surprend quand même ou qu'il traque l'odeur sucrée de ton haleine, exigeant alors sa part), tu te dis que la parentalité est vraiment faite de contradictions. Il y a ces jours (nombreux) où tu vérifies qu'il mange cinq fruits et légumes, crus et cuits, de toutes les couleurs, bios et frais, de préférence. Et puis il y a ces jours où tu lui refiles allègrement un paquet de chips pour le dîner, et où tu le laisses se goinfrer de trucs chimiquement colorés à un anniversaire, juste histoire qu'il ne geigne pas et qu'il te laisse deux minutes tranquille. Il y a aussi les jours où tu lui apprends à ranger ses chaussures et à mettre ses vêtements sales dans le panier à linge, et à mettre ses mouchoirs usagés à la poubelle, avant de le laver à grandes eaux, des pieds à la tête, en insistant sur les recoins et les pieds, avant de l'admirer propre comme un sou neuf. Et puis, il y a ces jours où tu dois te faire violence pour lui donner un petit bain vite-fait, et où tu considèrerais presque les traces de terre sur ses jambes nues comme un pigment naturel de sa peau. Il y a aussi ces jours où tu planifies des activités chronométrées et élaborées, où la journée est partagée entre les playdates au parc, les coloriages et autres activités manuelles, les visites à la piscine, les activités cuisine, les cours de musique et les heures de lecture et relecture de ses livres préférées. Mais il y a ces jours où tu le laisses en pyjama, où rien n'est planifié, où l'inactivité est reine, et où tu penses (très sérieusement) à lui donner un somnifère afin de pouvoir toi-même te reposer. Certains jours, lorsqu'une sortie est prévue, tu vérifies que la couleur de ses chaussettes soit assortie à celle du t-shirt, tu lui donne un coup de peigne pour enlever ses épis, et tu t'efforces (vainement) d'empêcher l'apparition de taches douteuses sur ses vêtements. Mais d'autres fois, tu renonces à négocier et tu acceptes qu'il porte un bas de pyjama mickey pour aller au supermarché, parce que sinon tu sais que la guerre nucléaire sera officiellement déclenchée et que tu en auras pour une bonne demie-heure de sons geignards et plaintifs. Et puis il y a l'éternel débat sur les écrans, addictifs et nocifs, auxquels tu sais que tu ne devrais jamais exposer ton rejeton. Face à la cruelle réalité, où tu aimerais bien pouvoir te doucher ou aller aux toilettes sans un spectateur de deux ans qui t'observe. Alors tu renonces, et tu autorises Youtube kids pendant quelques minutes, en pleine contradiction de tes exigences de parentalité. Après tout, élever un tyran de vingt-six mois consiste tout simplement à diriger en lui donnant l'impression que c'est lui qui tient les rênes. Les enfants commandent et les parents obéissent, c'est bien connu. Et tu contemples avec humour ta vie de maman, en te disant que décidément rien ne se passe jamais comme tu l'avais prévu...